COLORIAGES
2021
Les séries « Lubies bleues » et plus encore « Noirs solaires » étaient des tentatives de faire dégorger du chaud et du sensible aux data pompées par la glaciale éponge-sangsue de la prise de vue digitale.
Pullulante et totalitaire, à force de définition, de précision et d’instantanéité, l’image numérique de tous les jours est pour moi devenue cannibale et cryogénique. Elle dévore la réalité qui l’a créé tout en la congelant. Je ressens cela depuis longtemps. Déjà du temps de l’analogique et de l’argentique, l’extraction violente, le sorte de viol à l’envers, qu’opère la photographie avec la réalité, me mettait mal à l’aise. Mon « parti pris » avec la fabrication d’images s’enracine dans ce malaise. En plus, le bleu refroidit l’âme et ce n’est pas le N&B, si solaire soit-il, qui réchauffe les photons absorbés par le cerveau devant un écran…
Bref j’avais besoin de me faire plaisir, de recolorer mes mirettes, mes neurones et de m’ébrouer dans des couleurs comme un moineau se lave dans l’eau d’un caniveau ou plus lourdement comme un sanglier se vautre avec délice dans la boue d’une mare pour se délivrer de parasites.
De plus en plus évidente est apparue la nécessité d’un retour à mes classiques, à mes conventionnels, à mon académisme à moi. D’ailleurs, le nom de code de cette nouvelle série a longtemps été « academic colors ». C’était une façon de me dire que j’avais aussi une orthodoxie visuelle à moi, pleine de couleurs et décalée par rapport à ce qui s’expose par ailleurs dans les galaxies de représentations de ce qui est, s’imagine et se donne à voir.
Et puis, et puis, la série tirant vers sa fin, il s’est avéré que, même si elles allaient se réincarner sous forme d’encrage dans un papier, ces nouvelles images ne sont tout simplement que… des coloriages. Faut pas trop se prendre la tête, ni se leurrer…